Rencontre avec Marie-Hélène Repetto, costumière de théâtre, de danse et de cinéma. 

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Costumière depuis plusieurs années, je travaille pour différentes compagnies de théâtre. Je crée également des costumes pour l’escrime de spectacle et des événements historiques.

Après des études aux Beaux-Arts de Marseille et divers stages dans les théâtres et opéras de Nice et de Marseille, j’ai travaillé au Théâtre National de Marseille sous la direction de Marcel Maréchal. Dans la région sud, j’ai participé aux créations Riquet à la Lune et Le Songe d’une nuit d’été et j’ai crée les costumes d’Un tramway nommé Désir. Depuis mon arrivée à Paris, je travaille sur de nombreuses créations pour le théâtre, le cinéma ou pour divers évènements : Macbeth, Roman de Renart, les Mousquetaires aux Invalides, d’Une guerre, l’autre…. Mon travail de costumière se nourrit de visites de musées (Centre National du Costume de scène de Moulins, Galliéra, RNM), d’expositions artistiques, historiques ou contemporaines, de stages sur les techniques spécifiques au costume de scène, de spectacles, de lectures et de rencontres avec des personnes partageant ma passion pour ce métier.

Quelles sont vos démarches avant d’élaborer un costume pour le théâtre ?

La première rencontre avec le metteur en scène est, pour moi, fondamentale. Elle me permet de saisir la ligne directrice de son projet, de bien comprendre et de prendre en compte ses choix. Le costume de scène qui en découle devra aider le comédien dans son rôle. Il s’agit d’un échange enthousiaste sur cette future création : de nombreuses questions sont abordées à propos de la pièce, de l’auteur, des comédiennes et comédiens choisis, du nombre de costumes et d’accessoires, du décor, des lieux où auront lieu les répétitions et où sera donnée la pièce, du public, de la date de la Première, et du budget. Je tiens, ensuite, à lire la pièce plusieurs fois (5/6 fois). Je me documente sur l’auteur, son époque et le thème de la pièce. A l’occasion des premières lectures, répétitions et des filages, je m’imprègne de l’ambiance voulue par le metteur en scène et il m’est nécessaire « d’entendre » le texte et de comprendre la façon dont les comédiens abordent leur rôle et prennent possession de l’espace scénique. Les répétitions permettent d’échanger avec les comédiens sur les premières idées de costumes et de prendre leurs mensurations. Je réalise ensuite les premiers croquis ou maquettes qui sont présentés au metteur en scène, nous en discutons et évoquons les éventuelles difficultés qui peuvent se présenter pour la réalisation.

Parallèlement, il faut commencer la recherche de textiles, de matières et fournitures en fonction du budget établi. Après l’accord du metteur en scène, je prépare les « toiles » des costumes. Lors des répétitions, les échantillons de matières et textiles choisis par costume sont présentés et un premier essayage est fait dès que possible. A partir des toiles retouchées, les costumes sont fabriqués dans les textiles définitifs en vue d’un second essayage qui permet de décider des finitions et d’éventuelles retouches. Les costumes sont livrés pour les dernières répétitions ou pour la Couturière avant la Première.

Dans le cas de la nouvelle création de la Comédie des Ondes « La Née Lumière », quelles ont été vos étapes ?

Pour la création des costumes de « La Née Lumière », les différentes étapes sont dans la ligne de ce que je fais habituellement, comme je viens de l’exposer. J’ai déjà travaillé avec Didier Boulle (metteur en scène) et Anne Rougée (auteure et comédienne) sur la pièce « Le Grenier d’Elise » et j’ai donc découvert avec eux leur nouveau projet mêlant le théâtre et la science. Avec Didier, nous travaillons dans un véritable esprit de collaboration fait d’écoute et d’exigence réciproque, de passion du théâtre et de partage du savoir. Il s’agit ici d’un projet audacieux qui représente pour moi un nouveau défi : comment répondre à ses attentes et réaliser des costumes en total accord avec sa mise en scène, pour la réussite de cette fable à la fois poétique et scientifique, à trois niveaux de jeu au moins. Didier me demande aussi de réfléchir sur une partie du décor (rideau, coussins, lit). Nous abordons aussi la mise en place du planning et du budget. Les étapes évoquées précédemment sont respectées. S’y ajoute un premier contact avec l’auteure de la pièce lors des premières répétitions ainsi que le visionnage des interviews des scientifiques. La particularité de cette fable, son côté à la fois poétique et scientifique m’a conduite à faire des recherches sur la Lumière, – textes, images, films documentaires – qui m’ont aidée ensuite à concevoir les costumes. Autre particularité, chaque comédienne et comédien incarne trois personnages et trois costumes : au costume de base, il faut ajouter des pièces de costume ou accessoires correspondant soit à l’aspect « fable » du rôle, soit à l’aspect « scientifique ». Les couleurs retenues sont le blanc, le noir, les tons cuivrés et orangés et les tons froids, bleus, verts et gris.

Prenons l’exemple d’une des comédiennes, Clara. Lorsqu’elle incarne l’allégorie de la Lumière, elle est vêtue d’une jupe de voile transparent et au buste nu pour symboliser la fragilité et la beauté de la Lumière. Lorsqu’elle joue la jeune Blanche, amoureuse d’Ogone, elle porte une robe blanche près du corps et sans manche, au col décoré de sequins argent pour éclairer son visage juvénile et pur. Enfin, elle arbore un look très moderne : leggins et pull large et hauts talons lorsqu’elle prend les traits d’une scientifique.

Anne, l’autre comédienne de la fable interprète Pricia, la Narratrice, qui est comme le fil d’Ariane constituant le lien entre tous les personnages, sorte de choeur antique. J’ai choisi de l’envelopper d’un grand manteau noir à poches constellées dans son milieu d’une pluie de lumière (sequins argentés) brodés de fils des couleurs communes à tous les personnages. Elle joue également Nathalie, la scientifique décontractée, en jeans et chemisier blanc.

Les 2 comédiens jouent deux frères très liés mais très différents : Olivier est Ogone, vulcanologue, passionné, aventurier, rêveur et Loïc est Ojo, ophtalmologue, pragmatique, réaliste. J’ai choisi de faire une pièce de costume commune : le gilet. Le gilet d’Ogone est dans les tons chauds et aux lignes courbes tandis que celui d’Ojo est dans les tons froids et argentés et aux lignes droites. Ils incarnent également des scientifiques.

Concrètement, je dois donc créer cinq costumes ou pièces de costume (deux gilets, une robe, une jupe, un manteau) et rechercher et acheter les pièces de costumes contemporains pour les rôles de comédiens et de scientifiques. Je dois également travailler sur une partie du décor. Comme toujours, les répétitions me permettront de connaître les comédiens et d’assurer toute la partie technique préalable à la création des costumes, selon la méthode décrite précédemment. Les costumes seront livrés le 21 septembre pour les dernières répétitions, avant la Première du 9 octobre, que nous attendons avec impatience !