Rencontre avec Edith Pajot, responsable d’une unité de recherche à l’INRA et présidente de la Comédie des Ondes.

A travers son spectacle “Les Femmes de Génie sont rares ?”, Anne Rougée met en avant trois femmes qui ont marqué l’histoire des sciences et les difficultés qu’elles ont rencontrées. En tant que femme scientifique, avez-vous rencontré des difficultés similaires au cours de votre carrière ?

Personnellement, j’étais initialement très attirée par des études de médecine. Mes parents m’ont détournée de ce choix en invoquant l’idée que la vie d’un médecin était peu compatible avec une vie de famille pour une femme. J’ai donc suivi une autre voie, en préparant un diplôme d’ingénieur, sans me demander si cela était plus approprié pour une femme (15% environ dans cette école) ! Après une thèse et un stage post-doctoral aux Etats-Unis, j’ai d’abord fait le choix du privé, mais je me suis rapidement ré-orientée par goût vers la recherche académique, en étant recrutée à l’INRA. Ma carrière a évolué avec un changement de laboratoire, puis progressivement vers des responsabilités d’animation d’équipe, puis de direction d’unité. Si je n’ai pas rencontré de frein dû directement au fait que j’étais une femme, les évolutions de ma carrière ont été assez lentes tant que mes trois enfants étaient jeunes. Pour passer les concours nécessaires, j’ai attendu d’avoir suffisamment de temps à y consacrer. Je dirais que ma carrière a évolué sans doute plus tardivement que celle de certains de mes collègues masculins, mais sans qu’il n’y ait de blocage particulier. Au contraire, j’étais soutenue – et même incitée – par mes responsables hiérarchiques masculins à prendre des responsabilités. Je n’ai pas été confrontée personnellement à des problèmes de reconnaissance de mes compétences, mais il faut être très vigilant pour que cela progresse et devienne le cas pour toutes.

Vous êtes à la fois responsable d’une unité de recherche à l’INRA et présidente de la Comédie des Ondes. Quels liens faites-vous entre ces deux fonctions ?

La Comédie des Ondes accorde une large place à la promotion de la culture scientifique et de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Etant Directrice d’une unité de recherche à l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), j’ai la responsabilité d’animer une unité de trente-cinq personnes d’un point de vue scientifique, administratif et humain. J’adhère donc pleinement à la démarche de la Comédie des Ondes pour faire évoluer le concept d’égalité femmes-hommes dans les métiers du travail scientifique à tous les niveaux de compétences. Les actions menées par la compagnie peuvent aider à lever les a priori que certains jeunes peuvent avoir sur les professions scientifiques et techniques, et à inciter les jeunes filles et femmes à ne pas s’auto-censurer dans leurs choix de carrière, ni à se faire dicter des choix que leur entourage estime convenables pour elles. La motivation à tout niveau est le meilleur moteur pour réussir, dans tous les secteurs professionnels.

Vous êtes spécialiste de l’olfaction et vous avez fait partie du Comité scientifique pour le spectacle “Les Clowns Parlent du Nez”. En terme de médiation, qu’apporte un spectacle sur l’olfaction ?

Les odeurs ont une signification pour chacun d’entre nous. Elles évoquent des souvenirs, des lieux, des personnes… Parler du sens de l’olfaction fait donc souvent surgir des questions personnelles sur des expériences de ressenti olfactif, et d’association avec des souvenirs lointains, heureux ou traumatiques. Le spectacle Les Clowns Parlent du Nez a été créé en résidence dans notre laboratoire de Neurobiologie de l’olfaction. En interagissant avec les chercheurs, le trio clownesque s’est progressivement approprié certaines notions et éléments de langage, a développé des images pour faire comprendre à tout public les principes du sens de l’olfaction. Ce spectacle peut ainsi servir de base à des d’actions de médiation scientifique auprès d’un public scolaire ou du grand public, en suscitant des interrogations auxquelles les comédiens ou des intervenants peuvent répondre après les représentations.