Rencontre avec Louise Lafortune à l’occasion de son séjour en France

Vous êtes une experte reconnue dans le domaine de l’éducation, la formation et l’accompagnement, tant sur le plan national que sur le plan international, après avoir été d’abord professeure de mathématiques. Engagée depuis longtemps pour l’égalité femmes-hommes, vous vous intéressez tout particulièrement à l’accompagnement au changement.

Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours ?

Tout d’abord, j’ai toujours aimé les mathématiques et bien réussi dans cette matière à l’école. Mon milieu familial me dirigeait vers la médecine, mais lors de mon inscription à l’université j’ai choisi les mathématiques. Officiellement, j’ai enseigné les mathématiques au cégep (qui correspond à la terminale du lycée et à une année supplémentaire) pendant 24 ans (1973-1997). Cependant, mon parcours réel a fait en sorte que je n’ai pas enseigné les mathématiques en continuité durant toute cette période : j’ai d’abord pris des congés au milieu des années 1980 pour faire une maîtrise sur l’histoire des mathématiciennes, puis d’autres congés pour terminer un doctorat en éducation portant sur la dimension affective en mathématiques, que j’ai terminé en 1992.

En 1986, avec d’autres professeures, j’ai organisé un colloque portant sur Femmes et Mathématiques dans le cégep où j’enseignais. Ce fut le départ de MOIFEM (MOuvement International pour les Femmes et l’Enseignement des Mathématiques) jusqu’en 2003 où l’équipe s’est jointe à d’autres groupes qui avaient à cœur l’évolution des femmes dans les domaines scientifiques. Ce fut aussi la création d’AFFESTIM (Association de la Francophonie à propos des Femmes en Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques). J’en ai été la présidente au début et je suis toujours membre du Conseil d’Administration.

Parallèlement à cet engagement pour améliorer la situation des femmes en STIM (Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques), j’ai toujours eu à cœur les questions d’égalité et d’équité : par des travaux en pédagogie interculturelle dans les années 1990, et depuis 2007 par mon engagement auprès de Relais-Femmes, organisme de liaison et de formation auprès de groupes de femmes et de groupes populaires.

Je poursuis encore ce travail. J’ai toujours eu d’autres préoccupations qui vont dans le sens de l’équité en recherchant une façon d’écrire, au-delà de la simple féminisation, où tous et toutes se sentiront concernés. Je suis également engagée socialement et bénévolement à Cuba depuis 2 ans.

En tant que spécialiste des sciences de l’éducation que pensez-vous du théâtre comme outil de médiation ?

C’est une bonne question, à laquelle je n’ai pas beaucoup réfléchi jusqu’à présent. Je dirais que tous moyens qui mettent les personnes apprenantes dans une situation où elles sont actives sur le plan cognitif me semblent une très bonne avenue. En ce sens, le théâtre peut avoir un rôle dans le développement cognitif et peut aussi être un moyen de sensibilisation et de conscientisation. Si le théâtre est bâti dans une telle perspective, il offre une avenue très intéressante pour rejoindre des élèves et des adultes que les méthodes traditionnelles n’ont pas réussi à captiver.

Le théâtre est aussi un moyen de cultiver, de faire réfléchir à certaines situations d’inégalité, de rapports femmes-hommes à remettre en question, d’attitudes d’une population à changer, mais aussi de changements à apporter à ses propres attitudes. Pour ma part, je pense qu’il serait bien que les personnes qui assistent à une pièce de théâtre aient au préalable des intentions d’écoute, afin de faciliter et d’enrichir une discussion qui aurait lieu après la représentation.

En matière d’égalité femmes-hommes quelle est votre expérience de coopération entre le Québec et la France ?

Depuis près de 20 ans et peut-être plus, il y a eu plusieurs événements de coopération entre les équipes de MOIFEM et AFFESTIM au Québec et les équipes de femmes & mathématiques et de Femmes & sciences en France. Le tout a pris la forme d’invitations mutuelles dans divers événements. L’AFFESTIM a également invité Anne Rougée a présenter l’action qu’elle mène avec la Comédie des Ondes lors du 7e Congrès international des recherches féministes dans la francophonie (CRIFF) qui a eu lieu à Montréal en 2016.

Jusqu’à présent les rencontres pour tenter de créer une association de la francophonie n’ont pas abouti pour des raisons de visées différentes, sans qu’il y ait d’opposition. Cependant, ce qui s’est fait ponctuellement a permis de garder des contacts et pour ma part, il me fait toujours plaisir de rencontrer Anne Rougée, Véronique Chauveau et Isabelle Collet.

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Publications de Louise Lafortune associées à la situation des femmes

Lafortune, L. avec la collaboration de Gervais, L., St-Cerny, A., Lacharité, B. et Fournier, D. (2015). Accompagnement-formation d’une pratique réflexive interactive féministe : le cas de Relais-Femmes, Québec, Presses de l’Université du Québec.

Roy, A., Mujawamariya, D. et Lafortune, L. (dir.) (2014). Des actions pédagogiques pour guides des filles et des femmes en STIM (sciences, technos, ingénierie et maths), Québec, Presses de l’Université du Québec.

Gaudet, J. d’A. et Lafortune, L. (dir.) (2010), Les grands enjeux des femmes pour le développement durable, Québec, Presses de l’Université du Québec.

Lafortune, L., Deschênes, C., Williamson, M.-C. et Provencher, P. (dir.) (2008). Le leadership des femmes en STIM. Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques, Québec, Presses de l’Université du Québec.

Lafortune, L. et Solar, C. (dir.) (2003). Femmes et maths, sciences et technos, Québec, Presses de l’Université du Québec.

Solar, C. et Lafortune, L. (dir.) (1994). Des mathématiques autrement, Montréal, Remue-Ménage.

Lafortune, L., Kayler, H. et coll. (1992). Les femmes font des maths, Montréal, Remue-Ménage.

Lafortune, L. (dir.) (1989). Quelles différences? Les femmes et l’enseignement des mathématiques, Montréal, Remue-Ménage.

Lafortune, L. (dir.) (1986). Femmes et mathématique, Montréal, Remue-Ménage.

Louise.lafortune@uqtr.ca
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