Rencontre avec Eva Salmeron, informaticienne, élue présidente de la Comédie des Ondes lors de son Assemblée générale du 11 mars 2019

Vous avez choisi de vous investir au sein de la Comédie des Ondes en assumant désormais le rôle de présidente de l’association, après celui de trésorière. Comment envisagez-vous ce rôle et qu’en attendez-vous ?

J’ai souhaité m’investir plus dans l’association car elle défend des valeurs qui me sont chères : l’égalité femmes-hommes en particulier, mais aussi la promotion des sciences. Jusqu’à présent j’avais peu de temps à lui consacrer, mais mon récent passage en retraite me donne plus de liberté.

Je compte en particulier participer aux évènements auxquels la Comédie des Ondes est invitée, ou à toute réunion ou évènement qui présente un intérêt pour l’association ou pour l’avancée de ses valeurs. La Comédie des Ondes commence à être bien connue pour ses actions, mais toutes les opportunités de faire avancer nos valeurs et la promotion de notre association sont à saisir.

À travers sa pièce “Les Femmes de Génie sont rares ?” Anne Rougée met en avant trois femmes qui ont marqué l’histoire des sciences et les difficultés qu’elles ont rencontrées. En tant qu’informaticienne, avez-vous rencontré des difficultés similaires au cours de votre carrière ?

En effet, mon métier d’informaticienne, et les entreprises où je l’ai exercé, étaient un milieu très majoritairement masculin. Pendant mes études j’ai eu deux années difficiles à l’IUT de Cachan, où j’ai subi le harcèlement en tant que femme, heureusement sans violence physique. Il y avait une très petite minorité féminine sur le campus : environ une douzaine de femmes, y compris les enseignantes, sur un effectif total de plus de 300 personnes. Il m’a fallu subir des remarques ou gestes sexistes plusieurs fois par jour, ainsi que la sensation très pesante d’être surveillée en permanence. À l’époque je n’en ai référé à personne, j’ai serré les dents, ce que je déconseillerais aujourd’hui ! Il faut vraiment que cessent les discriminations sexistes dans nos écoles.

Par la suite, mon vécu a été moins traumatisant, mais il est clair qu’être une femme dans ce milieu, malgré mes compétences reconnues et appréciées, ne m’a pas permis d’évoluer comme un homme aurait pu le faire sans difficulté. Avec des responsabilités importantes, dans ma dernière entreprise je suis restée au même niveau pendant plus de 20 ans !

Vous avez pris des responsabilités syndicales au sein de votre dernière entreprise. Quelle expérience en avez-vous tiré sur la question de l’égalité femmes-hommes, et quel lien faites-vous avec l’engagement de la Comédie des Ondes sur cette question ?

Ces dernières années, mes responsabilités au sein du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de mon entreprise m’ont permis de voir la souffrance au travail, en particulier chez les cadres, car je travaillais au siège d’une importante société, dont la population était très majoritairement composée de cadres. J’ai pu aussi mesurer les problèmes flagrants d’inégalité de traitement pour les femmes.

Nous avons établi par exemple une statistique genrée sur les niveaux de poste : alors que celle des hommes faisait, comme on peut s’y attendre, une belle courbe gaussienne, celle des femmes présentait une forme bizarre, avec une surpopulation extrêmement marquée au dernier grade avant celui permettant d’avoir une voiture de fonction (!), et pratiquement plus aucune femme au-dessus. Sans commentaires…

Hélas les outils dont nous disposons ne permettent pas de prouver facilement ces inégalités au niveau individuel, surtout dans une population de cadre avec des âges et des profils très différents, et une solidarité moindre entre collègues. Pour le reste du personnel le constat était encore plus navrant. Dans l’ensemble il a fallu beaucoup se battre pour obtenir de petites avancées.

À la Comédie des Ondes je vois des choses plus enthousiasmantes, en particulier dans les réactions du public, mais aussi dans la reconnaissance de notre rôle auprès du monde associatif et des milieux institutionnels. C’est très gratifiant ! Je suis très heureuse d’être la présidente de cette association.